dimanche 25 décembre 2016

Modeste bilan de ma vie publique. « Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux »

Modeste bilan de ma vie publique.  « Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux »

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SOMMAIRE :

1979-1982 : LES ANNÉES « HOU ».
  • 1982-1986 : LES ACTIONS Á L'EST DERRIÈRE LE RIDEAU DE FER
  • 1983-1989 : CONTRE LES COMPLICITÉS NANTAISES POUR L'APARTHEID SUD-AFRICAIN
  • 1980-1989 : LA RENCONTRE DU PARTITO RADICALE ITALIEN
  • 1989 Á MAINTENANT : POUR L'AMOUR DE NANTES, « NANTES C'EST CAPITALE ! » ET LE RECREUSEMENT DE L'ERDRE, « NANTES EST UNE FÊTE » (NEUF) , OBSLAB.
  • 1995 : LA TRANSPARENCE AUTOMATISÉE DES COMPTABILITÉS PUBLIQUES SUR INTERNET
  • 1997-2004 : LE « RÉVEILLON DU 1ER MAI » POUR LA TAXE TOBIN ET CONTRE LES MARCHÉS FINANCIERS, INDIRECTEMENT AUX ORIGINES D'ATTAC
  • 2000 À MAINTENANT : LA FÊTE DES LANGUES DE NANTES
  • 2002 : LE PREMIER BUREAU DE VOTE « BIS » ET REFERENDUM SAUVAGE EN FRANCE
  • 2004 À MAINTENANT : APPEL À CÉLÉBRER ET ACTUALISER LA MÉMOIRE DU PROGRAMME SOCIAL DE LA RÉSISTANCE (CNR), L'APPEL DES RÉSISTANTS AUX JEUNES GÉNÉRATIONS
  • 2004 : « DÉCAPOL », OU DIX DROITS POLITIQUES NOUVEAUX, COMME UN DÉCALOGUE D'UNE NOUVELLE DÉCLARATION DES DROITS HUMAINS, POUR LE SIÈCLE QUI VIENT.
  • 2011 : APPEL « JE SUIS GREC », INTERNATIONALE ADELPHIQUE
  • ET LES VIOLENCES POLICIÈRES ?
  • EN CONCLUSION
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Vous pouvez télécharger en PDF l'ensemble des archives de Luc Douillard ["Documentation nantaise"] en PDF et en trois tomes :
Tome 1 : 1978 - 1983 / les années H.O.U. / les années INSOUMIS / les années PARTITO 
Tome 2 : 1984 - 2000 / les années APARTHEID / les années YOUGOSLAVIE / les années N.E.U.F. / les années NANTES c’est capital / les années ALLUMÉS / les années DOLÉANCES / les années 1er MAI 
Tome 3 : 2001 - 2017 / les années FÊTE des langues / les années INÉDIT / les années BOMBARDEMENTS / les années APPEL des résistants / les années ADELPHIQUES / les années FLASHBALL 
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Tiens pourquoi faire maintenant un bilan de ma vie publique consciente depuis 40 ans ? Peut-être que les mois de décembre sont propices aux bilans. Peut-être aussi parce que l'ambiance crépusculaire qui caractérise la vie démocratique française en ce moment précis est le signe qu'avec 2017, nous arrivons à la fin d'un cycle générationnel et politique.

Ce modeste bilan personnel concerne évidemment aussi le collectif de tous mes amis compagnons et compagnes de lutte depuis 40 ans. Mais cet écrit n'engage que moi.

Lorsque je suis sorti des brumes de l'enfance vers l'âge de 17 ans environ, autour de l'an 1977, j'ai eu la grande chance que le hasard de mes rencontres et de mes lectures m'ait révélé les trois connaissances suivantes, que je n'ai jamais perdues de vue jusqu'à ce jour :

AXIOME I

Dans la vie, il faut toujours si possible :
1 - Ne respecter que ce qui est respectable (c'est-à-dire ni la richesse ni l'autorité) ;
2 – Toujours prendre la défense des plus faibles, des plus vulnérables et des plus fragiles, même lorsqu'ils ne sont pas sympathiques (ce qui signifie d'abord les êtres humains bien entendu, mais aussi les autres êtres vivants, la nature, les lieux et paysages, les choses de l'esprit, l'art et la poésie) ;
3 - Toujours tenter de se mettre à la place d'autrui, pour comprendre ses propres raisons culturelles ou psychologiques et pour coopérer avec sa part de sincérité, si précaire soit-elle ;
4 - Distribuer à tous sans compter bienveillance et bonne humeur ;
5 - Et pour finir, afin de rester complètement disponible à ces objectifs, savoir refuser à temps les positions de pouvoir et l'abus d'avantages personnels.

AXIOME II

Dans toute situation d'injustice donnée, la seule personne individuelle ou collective qui puisse remporter (peut-être) une victoire sans provoquer ensuite un supplément d'injustice et de désespoir, c'est celui qui aura eu la force de briser le cycle mimétique et répétitif de la violence, de la tristesse, de la peur, de la résignation, de l'inhibition, grâce à des dispositifs nouveaux de non-violence, de non-tristesse, de non-peur, de non-résignation, de non-inhibition.

AXIOME III

La plupart des familles et institutions de la gauche et de l'extrême-gauche, sont plus que jamais, fossilisées, cléricalisées, infiniment traîtresses et inaptes à incarner leurs propres proclamations émancipatrices et leurs déclarations de principe. Elles ne sont pas la solution, mais le problème. Elles verrouillent hermétiquement le champ des possibles et viennent stériliser chaque tentative à la source. En conséquence, il faut inlassablement, patiemment, constructivement, inventer des propositions très concrètes d'actions directes créatives, si possible réussies, dont les gens ordinaires que nous sommes tous puissent se saisir ensuite librement sans intermédiaire ni tuteur idéologique (« empowrement »).

Ceci sur la durée 1977-2017 ! Évidemment, ces trois beaux axiomes se sont affrontés au réel, c'est à dire au grand tournant de la « Grande mondialisation des appétits égoïstes déréglementés », désastre perpétré en 40 années par le capitalisme occidental avec le concours des ateliers esclavagistes de la Chine totalitaire, assistés par les porte-conteneurs et la finance électronique.
Ce désastre global a brisé partout les fragiles équilibres civilisationnels, parfois hérités des vieilles sagesses écologiques et spirituelles, souvent issues plus récemment de l'humanisme européen laïc et ouvrier ou encore plus récemment des leçons de la résistance aux totalitarismes nazi et communiste. Tout a été dévasté, et dans cette crise sont apparus les nouveaux monstres : désinhibition idéologique de l'arrogance, du racisme, de la violence pure et du profit matériel, obscurantisme et mépris de la pensée, peur généralisée imposée d'en haut, haine de soi et méfiance des autres, complaisance officielle pour la laideur et le mensonge, le tout sous la nouvelle angoisse, combattue à coups de distractions misérables, d'un dérèglement climatique suicidaire pour l'humanité. Oui, c'est notre génération qui a été honteusement trahie et battue.

Si bien qu'on peut se dire : À quoi bon avoir tenté d'agir pour le salut commun depuis 40 ans alors que tout a régressé en sens inverse et que les points d'appuis eux-mêmes disparaissent désormais ? C'est le moment de retrouver la fameuse citation de Samuel Beckett : oui, nous avons échoué, nous avons trébuché à plusieurs reprises, mais en nous relevant, nous dirons encore :

« Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. »

Samuel Beckett : Wordstward Ho, 1983, « Cap à l'ouest », traduit en français sous le titre de Cap au pire (1991, éditions de Minuit)

Alors, voici le moment d'énumérer une série de tentatives d'actions originales, qui ont toutes connues pour des raisons diverses des échecs patents, des semi-échecs, des ratages après avoir failli triompher, et puis aussi cette forme spécifique d'échec qui est une grande réussite qui n'a jamais été connue ou reconnue du public. « Caramba, encore raté ! » Si bien que nous disons avec Beckett : « Échoue encore. Échoue mieux » parce qu'aucun de ces « échecs » n'a été vécu sans avoir gagné quelque chose, sans avoir été jouissif, réjouissant, fraternel, instructif, révélateur, prometteur, et qu'aucun n'a épuisé sa force neuve de désir et de subversion.

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1979-1982 : LES ANNÉES « HOU ».

Nous tentons d'implanter à l'Université de Nantes un syndicalisme autogestionnaire dans l'esprit Lip-Larzac du cher PSU anti-nucléaire. Ça ne marche pas si mal, mais très vite, nous tombons malheureusement dans l'orbite de l'UNEF parisienne, où nous croisons des jeunes gens du PS et du trotskisme qui sont tous obsédés par leurs carrières prometteuses (si bien que 40 ans plus tard, ils sont effectivement devenus célèbres comme nos actuels chefs de gouvernement, ministres, conseillers des princes). « Fuis la compagnie de ceux à qui tu ne veux pas ressembler » nous aurait conseillé Rabelais. Et pour sauver nos consciences, nous quittons en urgence l'UNEF pour créer le groupe anarcho-coluchien HOU « Hors d'oeuvres universitaires », avec les meilleurs amis du monde, rencontrés à Nantes lors d'une mémorable grève générale universitaire de l'hiver 1980, pour les droits des étrangers déjà. Le groupe HOU eut un rayonnement réel à Nantes, mais qui ne dura pas après nous. Caramba, encore raté ! Mais ce fut la matrice irremplaçable d'amitiés agissantes qui durent toujours.

Documentation originale :

1982-1986 : LES ACTIONS Á L'EST DERRIÈRE LE RIDEAU DE FER

Dans notre jeunesse le monde occidental considérait que l'empire soviétique brejnevien pourrait encore tenir mille ans grâce à l'équilibre de la terreur nucléaire, et alors que la moitié de la gauche française trouvait globalement positif et inspirant le bilan du marxisme-léninisme. Ne parlons pas de la droite qui s’accommodait très bien du communisme autoritaire.
C'est alors que nous sommes partis à l'assaut les mains nues contre l'empire de l'Est. Nous : une poignée de militants italiens et belges du Partito radicale, d'objecteurs de conscience espagnols et le groupe nantais « HOU-Partito radical ».
Nous n'étions pas des experts géopoliticiens, mais nous avions compris cette intuition neuve : que le système soviétique de contrôle hermétique de tous était condamné à dépérir face à l'arrivée des nouvelles technologies de communication et de persuasion. En 1982 à Moscou et dans les grandes capitales de l'Est, en 1985 en Yougoslavie, en 1986 en Pologne, nous sommes arrêtés par la police, parfois emprisonnés un bref instant, jugés, condamnés, expulsés. Mais nous prouvons qu'à ce moment spécifique les pouvoirs policiers du KGB ne peuvent plus se permettre de réprimer comme avant des manifestations de jeunes gens décidés.
Et nous n'étions pas seuls, bien entendu, car l'aspiration à la liberté est irrésistible. Très vite, c'est le centre même du pouvoir soviétique qui en tirera les conclusions qui s'imposaient en tentant de sauver le régime par la démocratisation de la perestroïka et par le renoncement historique à la force qui se conclura par la Chute du mur de Berlin. Nous avions gagné ! (Même si presque personne ici en France n'a connu nos aventures).

Faut-il en conclure que nous avions changé l'Histoire selon nos vœux ? Et non. Caramba encore raté ! Car au lieu d'unifier l'Europe en sauvegardant les protections sociales héritées du socialisme tout en y ajoutant l'autogestion démocratique, voici qu'apparurent immédiatement les prédateurs occidentaux : privatiseurs de biens publics, experts du FMI dépeçant l'Est de l'Europe avec la complicité des cadres communistes corrompus, généraux de l'OTAN, marchands de médias pourris et d'entertainment, patrons de super-marchés made in France, idéologues du néo-libéralisme. Au risque de créer des souffrances sociales immenses pouvant nourrir la tentation de l'autoritarisme de type poutinien.

Documentation originale :

1983-1989 : CONTRE LES COMPLICITÉS NANTAISES POUR L'APARTHEID SUD-AFRICAIN

Alors que la gauche antitotalitaire, celle d'un Albert Camus, doit savoir s'opposer simultanément au communisme autoritaire et au fascisme, notre génération n'avait pas eu à résister à ce dernier.
Mais en ces années 1980, le fascisme avait un visage mondial et nantais : l'apartheid sud-africain.
Mondial parce que le monde était suspendu à l'hypothèse d'une explosion violente en Afrique du Sud, qui aurait débouché sur un conflit inextricable comme en Palestine et une guerre civile inexpiable.
Nantais, car la mairie de droite élue à Nantes, après avoir supprimé sa subvention à une commémoration du Code noir esclavagiste, était réputée avoir des contacts privilégiés avec le régime raciste sud-africain, tandis que la Chambre de commerce de Nantes n'hésitait pas à dépêcher des missions commerciales dans le seul pays officiellement raciste, malgré les consignes de boycott de l'ONU et de la société civile mondiale.
Relisant les archives, je suis surpris par l’opiniâtreté de nos actions organisées par le HOU sous le nom de « Conscience noire de Nantes » (actions de s’enchaîner devant la mairie de Nantes, veillées de Noël sous le bureau du maire, démarches diverses). Nous n'avons jamais cédé.
Aujourd'hui, il est facile de dire que Mandela devait être gentiment libéré sous la pression des milieux économiques blancs de Pretoria. Pour parvenir à ce résultat inouï et au droit de vote des Noirs, il avait fallu une extraordinaire mobilisation du monde entier pour isoler économiquement l'apartheid. Une mobilisation longue, difficile, mais qui a pleinement réussi et qui fait honneur au concept de Gandhi de non-collaboration avec l'adversaire.
L'histoire officielle ne retient que les échecs : les sanctions diplomatiques ratées de la SDN avant 1939, les illogiques "sanctions économiques" associées à des bombardements épouvantables de civils de messieurs Bush père et fils, au Moyen-Orient et en ex-Yougoslavie.
Mais nous, on ne pourra pas nous enlever que nous avons participé concrètement, là où nous étions, à la grande révolution pacifique qui a terrassé l'apartheid. (Et que nous attendons toujours l'invention d'un art social qui un jour donnera à la non-violence radicale une dimension dramatique et épique, capable d'enchanter les imaginaires, et pas seulement à la photogénie de la violence guerrière fascinée par le pire.)

Documentation originale :

1980-1989 : LA RENCONTRE DU PARTITO RADICALE ITALIEN

Nous l'avons tant aimé, ce parti radical transalpin. Il s'inscrivait dans une tradition politique très spécifique de la vie politique italienne : férocement libre penseur et libertaire, antimilitariste et anticlérical, également antifasciste et anticommuniste. Une tradition sur laquelle avait réussi la greffe improbable et extraordinairement féconde de la pensée pratique et théorique de la non-violence de Gandhi.
De fait, cette petite formation animée par seulement quelques centaines d'activistes avait littéralement gouverné l'Italie en imposant son agenda politique et médiatique, notamment pendant les années 1970, remportant victoire sur victoire, surtout dans les domaines des droits sociétaux : droit au divorce, à l'objection de conscience, au vote à 18 ans, à l'avortement-contraception, abandon du programme nucléaire, droit des homosexuels, des transsexuels, des drogués, des prisonniers, refus efficace de la dérive autoritaire des « années de plomb » antiterroriste.
Le génie spécifique de ce petit parti provenait selon la presse du charisme de son génial porte-parole, Marco Pannella, mais il tenait d'abord à une originalité rare : ce parti de gauche était dépouillé de toute gangue ou induration idéologique.
Chaque année à l'automne, le parti était refondé à neuf au cours d'un congrès ouvert à toutes les personnes de bonne volonté, autour du vote d'une motion d'action annuelle qui définirait son nouvel objectif politique choisi comme priorité du moment, un peu comme un parti « autobus » qu'on emprunte ponctuellement pour rejoindre l'arrêt suivant, mais pas forcément pour suivre tout l'itinéraire.
En fait, le Partito radicale avait renouvelé les termes de la fameuse distinction classique de Max Weber entre « éthique de conviction » et « éthique de responsabilité », que les penseurs paresseux attribuent souvent, l'une à la « gauche contestataire », éternellement « impuissante », l'autre à la « gauche gestionnaire », puissante mais embourgeoisée et velléitaire, ou même devenue carrément néo-conservatrice.
Or le Parti radical italien avait dépassé l'éthique de conviction (qui, le plus souvent à gauche et à l'extrême-gauche, n'est qu'une morale cléricale de pureté idéologique et de religiosité) pour fonder une véritable éthique de « responsabilité » (de responsabilité nue sans jamais chercher le confort du pouvoir institutionnel, de pauvreté « franciscaine », de choix du « pouvoir de » plutôt que du « pouvoir sur », de convaincre plutôt que vaincre, telle était la force de Pannella et de ses amis).
Ainsi le Partito radicale était apte à gagner des victoires politiques, à coaguler des majorités émancipatrices, car il savait à merveille traverser, sans amour propre déplacé ni crainte de se perdre, toutes les diversités culturelles et politiques, et contraindre cordialement les adversaires à devenir des partenaires (ce qui réalise l'idéal de la conflictualité démocratique maximale, y compris dans la lutte de classes des exploités et dominés).
Quand nous l'avons rencontré, au début des années 1980, le Partito radicale avait décidé de dépasser les luttes sociétales italiennes, où il avait pourtant tellement excellé, pour s'affronter à un grand objectif universel, la cause de la survie des millions de massacrés par la faim et le sous-développement, un combat qu'il voulait porter à la dignité de nouvel antifascisme pour notre temps.
Cette intuition était juste, mais le Partito radicale devait y essuyer sa première grave défaite, car personne n'avait imaginé que deux ennemis implacables feraient tout pour le faire échouer en Europe : la Commission européenne et le nouveau gouvernement Mitterrand parvenu au pouvoir en France en 1981.
Mais le Partito radicale avait décidé de s'internationaliser en « Parti radical transnational non-violent » et nous étions volontaires enthousiastes pour que notre groupe nantais en soit une tête de pont exemplaire à l'extérieur de la péninsule italienne.

Puis à partir du milieu des années 1980, le Partito radicale a déçu trois fois.
Une première fois en abandonnant sa culture de motion d'action annuelle remplacée par un pur chantage à la fermeture du parti, s'il n'obtenait pas un certain quota chiffré de nouveaux adhérents. C'était là prendre le risque de transformer la nature profonde du parti : de moyen pragmatique il devenait alors un but déifié, comme n'importe quelle banale bureaucratie, et cela risquait d'entraîner forcément une épaisseur supplémentaire illisible avant d'aller directement aux objectifs.
Une deuxième fois, quand l'idéal fédéralisme européen du Partito radicale a pris une accentuation de moins en moins axée vers un geste révolutionnaire constituant des peuples unis du Vieux continent, mais vers une tournure de plus en plus acritique face à la dictature économiste de la Commission de Bruxelles et des gouvernements de rigueur néo-libérale et libre-échangiste des années 1980 et 1990, transformant implacablement l'idéal européen en un cauchemar autoritaire justifiant la destruction et la déréglementation des droits sociaux et l'imposant juridiquement sans que les peuples devenus superflus ne puissent s'y opposer.
Une troisième fois lorsque le Parti radical s'est prêté à un « coup » politique en aidant l'odieux Silvio Berlusconi à se saisir du pouvoir en Italie, sur les ruines de la Démocratie chrétienne et du PSI discrédités.
Ainsi, notre cher « Partito » avait déçu. Il avait subi, lui aussi ,la malédiction qui avait frappé ce qu'on appelait assez bêtement la « deuxième gauche » en France, comme la CFDT autogestionnaire, passé de syndicat le plus à gauche à celui le plus à droite. Une malédiction qu'on avait observée également dans la ligne éditoriale des journaux Libération, Le Monde, le Nouvel Observateur, de la revue Esprit, ayant tous renié vers 1980 et 1990 l'aspect démocratique et libertaire d'une exigence antitotalitaire pour un ralliement pur et simple à l'ordre néo-libéral et atlantiste, qui triomphait alors dans le monde entier.
« Caramba, encore raté », nous étions donc orphelins, même si avons évidemment continué à aider les batailles exemplaires du Partito radicale contre la peine de mort dans le monde et pour une Cour pénale internationale permanente jugeant les dictateurs.

Documentation originale :

1989 Á MAINTENANT : POUR L'AMOUR DE NANTES, « NANTES C'EST CAPITALE ! » ET LE RECREUSEMENT DE L'ERDRE, « NANTES EST UNE FÊTE » (NEUF) , OBSLAB.

En 1989, dans la continuation du groupe HOU et désormais émancipés du Partito radicale, nous lançons une campagne centrée désormais sur notre territoire de vie, la ville de Nantes. Nous imaginons une puis deux campagnes municipales sans présenter de listes, afin d'influencer et d'interpeller les partis dominants : « Nantes C'est Capitale ! » en 1989, « Nantes Est Une Fête » en 1995 (N.E.U.F.) qui deviendra ensuite une association toujours active actuellement.
Notre plan est cohérent : comme les surréalistes et les situationnistes, nous voulons dépasser les frontières de la poésie pour atteindre la politique, et vice-versa. Nous lançons bruyamment un thème qui va durer, celui du recreusement des cours de la Loire et de l'Erdre, comblés sous terre un demi-siècle plus tôt par des technocrates indifférents à l’esprit des lieux. Sur plusieurs autres thèmes culturels et sociaux, nous revendiquons l'esprit de révolte anarcho-syndicaliste et soixante-huitard du pays nantais. Nous le mettons en scène avec un certain succès au cours de quelques exploits médiatiques.
Sous des dehors fantaisistes et mouvementistes, nous sommes profondément constructifs et ne demandons qu'à être récupérés par le pouvoir municipal. Malheureusement, nous tombons au plus mauvais moment, à l'arrivée d'une nouvelle dynastie électorale nantaise bénie par la décentralisation mitterrandienne, marquée par une certaine culture paranoïaque selon laquelle « Qui n'est pas avec moi est contre moi », et nous n'arriverons jamais à dialoguer utilement avec elle. D'autant plus que nous faisons très peur avec notre refus de toute subvention.

Mais cet amour de Nantes se poursuivra sans arrêt sous de multiples formes, notamment avec les Fêtes des langues (voir plus bas), avec les Marches de mémoire (Résistance dans le quartier de Chantenay, Mouvement ouvrier, Poésie grecque) et avec la création de l'OBSLAB (Observatoire-laboratoire de la démocratie locale en pays nantais, fusionné avec NEUF, qui faisait suite à une vaine tentative de rapprocher les écologistes locaux et le Front de gauche). Sans oublier non plus les enquêtes originales de mes élèves sur la vie à Nantes pendant la Seconde guerre mondiale.

Documentation originale :

1995 : LA TRANSPARENCE AUTOMATISÉE DES COMPTABILITÉS PUBLIQUES SUR INTERNET

Lors de notre campagne municipale sans liste de « Nantes est une fête », nous proposons entre autres que Nantes puisse être la première ville au monde à expérimenter un dispositif révolutionnaire.
Il s'agit de rendre lisible immédiatement le détail des comptabilités publiques sur internet (et comme en 1995 internet n'était pas encore généralisé, on disait aussi « et sur minitel »), grâce à des logiciels adaptés rendant facile pour le citoyen toute requête par mot-clefs. Exemples : la connaissance en temps réels des dépenses des travaux d'un chantier public devant chez moi, l'état des virements relatifs à un marché public ou d'un versement de subvention à l'école des mes enfants ou à un club sportif, etc.
Il ne s'agissait que d'actualiser à notre temps l'article 14 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »
Aujourd'hui, la divulgation de données publiques très utiles mais assez innocentes (les horaires d'une ligne de bus, les relevés de l'analyse des eaux d'une piscine publique) sont volontiers mis en ligne de façon conviviale, dans le cadre de ce qu'on appelle désormais l' « Open Data ».
En revanche, plus de vingt ans après notre proposition de NEUF, aucun partisan de l'Open data ne s'est risqué à la reprendre. Il est vrai qu'elle créerait un précédent fâcheux, si les citoyens réclamaient par ce biais la transparence des flux financiers privés et corrupteurs transitant dans le monde entier.
Ce qui s'est passé : en 1995, le député-maire de Nantes qui allait devenir premier ministre plus tard nous a fait savoir par courrier référencé qu'il adoptait notre proposition et l'intégrait à son programme municipal. Un peu plus tard quand il fut réélu pour un deuxième mandat, il nous fit savoir sans ambages qu'il n'en ferait rien. (Et, coïncidence, je devais perdre à ce moment un emploi dans un organisme culturel para-municipal).
Plus tard, l'association NEUF a contacté la Commission européenne par le biais de l'administration de madame Emma Bonino, mais sans résultat tangible. Si bien que l'idée d'une transparence automatisée des comptes publics reste une grande idée en jachère, encore intacte et neuve pour qui voudra.

Documentation originale :

1997-2004 : LE « RÉVEILLON DU 1ER MAI » POUR LA TAXE TOBIN ET CONTRE LES MARCHÉS FINANCIERS, INDIRECTEMENT AUX ORIGINES D'ATTAC.

C'est alors que NEUF décide de se déterritorialiser courageusement vers le grand large, de passer du local au global, puisque nos possibilités d'agir à Nantes deviennent limitées, en raison de la très faible ouverture des pouvoirs locaux, mais aussi d'un changement perceptible dans l'accès aux médias locaux.
En 1997, nous avions entendu parler de taxe Tobin (l'idée d'une taxe minime et répétée automatiquement, ne gênant pas le commerce réel, mais dissuadant efficacement la recherche de profits par la multiplication de micro-flux spéculatifs, rendus désormais possibles par l'informatique financière).

L'association NEUF décide donc d'instaurer un événement revendicatif de type nouveau, « Le Réveillon du 1er mai », devant la Bourse financière de chaque pays. Pour nous ce sera Paris, devant le Palais Brongniart, où nous irons courageusement pendant sept années, la veille de chaque 1er mai revendicatif de la Fête des travailleurs.
Nous voulons que ce rassemblement soit sans violence, sans argent, sans organisation dirigeante, qu'il préfigure ce qui sera plus tard popularisé comme « Zone d'autonomie temporaire », et autres « Reclaim the street ».
Nous aurons beaucoup de difficultés : pour mobiliser à Nantes et pour affréter nos autocars, pour nous faire connaître dans les médias, pour trouver des partenaires fiables à Paris autres que des provocateurs cagoulés venant casser les vitres de la Bourse et le mobilier urbain. Également pour étendre notre mouvement à la planète entière, ce qui n'arriva guère, à l'exception notable d'amis québécois qui deux années durant ont repris le Réveillon du 1er mai devant la Bourse de Montréal. Mais il y eut de très beaux moments de créativité. Et puis nous avions créé la première manifestation au monde pour la Taxe Tobin.
Nous n'avions pas vocation à rester propriétaires de cette belle idée. J'avais alors écrit une lettre aux directeurs de deux journaux qui me semblaient éventuellement aptes à prendre la tête d'une campagne d'ampleur pour la Taxe Tobin : Jean-François Kahn de Marianne et Ignacio Romanet du Monde diplomatique. Ils ne me répondirent jamais, mais le second devait créer un coup de tonnerre dans un célèbre éditorial, l'année suivante, en appelant à créer l'« Association pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens (ATTAC)», une idée qui séduisit immédiatement des milliers de volontaires partout en France et même à l'étranger. La société civile sidérée par la dictature des marchés financiers se réveillait enfin.
Il se trouve que NEUF fut invitée à participer aux ultimes réunions au sommet de la création officielle de cette organisation, au printemps 1998, alors que nous travaillons déjà sur le Deuxième réveillon du 1er mai.
Jamais une initiative de NEUF n'avait eu une telle retombée indirecte. Mais, « caramba, encore raté ! », nous avons vite compris que Le Monde diplomatique, pour institutionnaliser ATTAC, avait fait appel à un groupe de permanents de syndicats et de grandes associations subventionnées, souvent à multiples casquettes et habituée aux fonctionnements verticaux.
D'autre part, le péché originel d'ATTAC était un très grave contre-sens sur le caractère anticapitaliste radicalement révolutionnaire de la réforme Tobin, destiné à éradiquer définitivement un segment particulièrement nocif des marchés financiers spéculatifs. ATTAC trahissait l'idée de James Tobin pour la rabaisser à un vulgaire pourvoyeur de recettes fiscales supplémentaire destinées à des pansements sociaux.
Imaginez un ingénieur qui inventerait un type de frein pour véhicules poids lourds et qui annoncerait sans complexe : Attention, mon frein ne sera jamais inefficace, il n'arrêtera rien, mais comme il produira de la chaleur, vous pourrez la récupérer pour chauffer la cabine...
Si bien qu'ATTAC après avoir nourri des espoirs considérables, décevra beaucoup, en se perdant dans des sommets altermondialistes comme à Porto Alegre qui consacraient la séparation entre une jet set militante privilégiée et les adhérents de base, privés de propositions concrètes pour interpeller intelligemment les élus (on était à l'époque du gouvernement Jospin), et finira par se déconsidérer à la suite d'un sombre conflit interne au sommet. ATTAC nous avait inutilement occupé les mains pendant huit fastidieuses années (à l'exception de l'Appel des Résistants, voir plus bas).

Caramba, encore raté. Là encore, tout est à refaire.

2000 À MAINTENANT : LA FÊTE DES LANGUES DE NANTES

Exceptionnellement, voici une idée qui n'a pas été inventée à Nantes.

Nous avions remarqué que les occitanistes créatifs du Carrefour culturel Arnaud-Bernard, à Toulouse, animé par l'infatigable Claude Sicre du groupe de rap Les Fabulous trobadours, avaient compris que s'ils voulaient défendre la langue occitane, il faudrait refuser tout repli isolationniste, et s'ouvrir sur toutes les langues parlées dans une grande métropole cosmopolite comme Toulouse, au cours d'une Fête de plein air.
Ils accueillirent aussitôt cordialement notre proposition de développer la même idée à Nantes.
Et voici donc La Fête des langues de Nantes :
« L'occasion de réunir toutes les langues du monde, du breton à l'arménien, de l’espéranto au berbère, du coréen à la langue des signes..., comme toutes les soeurs d'une grande république universelle.
La Fête des langues, c'est l'organisation simple de tables de conversations, une par langue parlée à Nantes, ouvertes à tous les passants, autour de quelques objets, livres, dessins, photos, chansons, ateliers de calligraphies ou dégustations gratuites.
Un rendez-vous singulier qui rassemble chaque année à la mi-juin 30 à 40 langues différentes usitées à Nantes et des centaines de visiteurs.
La Fête des langues : Le moment où Nantes se révèle joliment cosmopolite et multiculturelle, comme ville-port, ville d'accueil, où le monde entier se retrouve.
La Fête des langues : Pour résister, dans la fête et par l'amitié, à tous les replis nationalistes et ethnicistes, et pour remercier les immigrés qui nous apportent ici même leur plus beau cadeau : une culture (à partager ensemble, pour s'enrichir sans s'appauvrir) !
Une belle occasion (entièrement gratuite !) de voyage, de culture, de fraternité et d'amitié. »

Il n'est d'ailleurs pas complètement exact que NEUF n'a rien inventé dans le concept de Fête des langues, car il l'a enrichi d'une option riche de sens : montrer qu'un tel événement d'ampleur peut se réaliser entièrement par l'autogestion des bonnes volontés créatives, en toute gratuité, c'est à dire sans devoir mendier une quelconque subvention aux pouvoirs locaux, reprenant ainsi la vieille intuition des Bourses du travail de la Belle époque. D'abord savoir compter sur ses propres forces est aussi une manière de libérer les forces créatives.
Cette fête nous a procuré de très grands moments de joie et de fraternité, y compris lors de deux parades de rue. Notre seule frustration a été ne pas pouvoir consacrer plus d'énergie à créer un réseau mondial de villes-fêtes des langues (comme nous l'avons tenté avec succès en aidant à la création d'une Fête à Thessalonique, en Grèce, voir plus bas).

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2002 : LE PREMIER BUREAU DE VOTE « BIS » ET REFERENDUM SAUVAGE EN FRANCE

Lors du premier tour des législatives suivant immédiatement l'élimination de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002, l'association NEUF décide d'inaugurer un dispositif inédit en France (mais qui a été éprouvé plusieurs fois chez les Espagnols, plus avancés que nous dans ce domaine).
Il s'agit de saisir l'opportunité d'un scrutin national pour lui ajouter des bureaux de vote militants « bis », invitant les électeurs à se prononcer sur des questions d'initiatives citoyennes, que les grands partis ne souhaitent pas forcément voir posées.
À Nantes, nous choisissons le périmètre des bureaux de vote de l'école de la Mutualité à Chantenay, ce qui correspond environ à 8000 électeurs, qui reçoivent préalablement à leur domicile une explication et un bulletin de vote composé d'une quinzaine de questions d'intérêt général et local.
En dépit des hostilités que nous rencontrons, cette expérimentation montre une dynamique certaine, avec plusieurs centaines de votants, dont les votes sont dépouillés le soir même et envoyés aux médias.

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2004 À MAINTENANT : APPEL À CÉLÉBRER ET ACTUALISER LA MÉMOIRE DU PROGRAMME SOCIAL DE LA RÉSISTANCE (CNR), L'APPEL DES RÉSISTANTS AUX JEUNES GÉNÉRATIONS

À l'automne 2003, l'association NEUF s'avise que le célèbre programme du Conseil national de la Résistance aura 60 ans en l'an 2004, un chiffre rond, alors que de grands témoins et acteurs de la Résistance anti-nazie sont toujours vivants et actifs.
Ce serait l'occasion de réaliser un passage de générations, de donner quelque chose à admirer aux jeunes d'aujourd'hui pour réenchanter leur ciel politique déserté, de rendre hommage à la capacité délibérative et volontariste de la Résistance, et de prendre à témoin l'opinion publique des destructions du socle de droits hérités de 1944, 1945 et 1946.
Donc NEUF reprend son inlassable rôle discret de lanceur d'idée, de diffuseur pollinisateur, d'émetteur de mini-tracts et de mails lancés à l'aveugle.
Et cette fois-ci, le message ne tombera pas dans le vide, car il sera repris par Jacques Nikonoff, à l'époque président d'ATTAC, qui trouve l'idée superbe, décide de la faire porter par ATTAC au plan national, et pour cela me confie la mission de gérer ce dossier avec un sympathique professeur d'histoire breton, Michel Gicquel.
S'il y a bien eu une modeste idée de NEUF qui a provoqué une réaction en chaîne, c'est celle-ci, car il y eut successivement :
  • un Appel des Résistants aux jeunes générations, proclamé à Paris le 8 mars 2004, dont j'avais été le principal rédacteur, et l'occasion formidable pour moi de rencontrer Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Jean-Pierre Vernant...
  • un colloque et de nombreuses manifestations en régions,
  • plus tard un rassemblement annuel sur le plateau des Glières, avec le collectif Citoyens Résistants d'Hier et Aujourd'hui, et les films inspirés du cinéaste Gilles Perret,
  • et puis encore une retombée surprenante avec le succès planétaire du petit livre « Indignez-vous » de Stéphane Hessel, qui n'a pas été sans influence sur l'émergence des mouvements «  Los indignados », « Occupy » et « Podemos », partout dans le monde.
Non, la flamme de la résistance n'était pas éteinte.
Et on ne pourra pas dire que NEUF n'a rien provoqué, car c'est au moins arrivé une fois (même si la plupart des personnes l'ignorent).

Il y a aussi dans cette histoire une anecdote personnelle. Il se trouve que j'ai toujours été touché par la figure de l'écrivain raté, ridicule mais touchante, comme ces poètes affamés du XVIIème siècle qui hantaient les salons des Précieuses ou ces amants solennels de la littérature pure, mais qui n'avaient jamais rien publié, que Borges croisait dans la Buenos Aires du début du XXème siècle. Comme eux, je le suis et je le revendique en souriant. Or il se trouve que « Indignez-vous ! » est un montage de textes de Stéphane Hessel parachevé par son éditeur, dans lequel a été intégré l'Appel des Résistants de 2004, dont j’avais écrit la plupart des phrases. C'est ainsi que je suis le seul « écrivain raté » qui ait été involontairement le passager clandestin d'un best-seller mondial, auteur anonyme de fragments de ma main, traduits en 34 langues, et vendus dans le monde à quatre millions d'exemplaires. Drôle de performance méconnue !

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2004 : « DÉCAPOL », OU DIX DROITS POLITIQUES NOUVEAUX, COMME UN DÉCALOGUE D'UNE NOUVELLE DÉCLARATION DES DROITS HUMAINS, POUR LE SIÈCLE QUI VIENT.

En 2004, au moment d'abandonner les rassemblements physiques du Réveillon du 1er mai à Paris, pour les transformer en rendez-vous virtuel permanent, nous décidons de fixer un certain nombre d'intuitions ramassées dans un texte le plus court possible. Après la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 et la Déclaration universelle de 1948, voici la troisième déclaration, absolument inconnue du public.
On y trouve quelques idées neuves, comme celle d'un droit à l'initiative politique des jeunes, d'un droit de retrait face aux abus de la communication des écrans électroniques, protégeant la liberté de conscience, etc.

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2011 : APPEL « JE SUIS GREC », INTERNATIONALE ADELPHIQUE

Au cours de l'hiver 2011, avec mon ami Gilles Gelgon et nos compagnes, nous cherchons comment nous solidariser avec le peuple grec martyrisé par les diktats économiques de la Troïka (Commission européenne, Banque de Francfort, FMI).
Nous décidons de lancer un Appel de Nantes invitant à se déclarer citoyen grec, par solidarité.
Très vite, cette initiative devient étonnamment célèbre en Grèce car elle avait touché le cœur des citoyens grecs humiliés. Nous voici recevant de très nombreux hommages émus, des demandes d'interview de la presse grecque, des invitations à venir sur place ou à être déclaré citoyens d'honneur, etc.
Il nous en restera une responsabilité particulière, qui débouchera sur le lancement d'une Fête des langues à Thessalonique, grand port grec du nord, et sur la création d'une ambitieuse « Internationale adelphique ».

(Rappel : le mot d'origine grecque « adelphique » trouvé par hasard au cours d'un échange radiophonique avec notre amie Réa Moumtzidou, renvoie à l'idée de jumelage, mais surtout à l'idée de frère/soeur, fraternité/sororité, sans distinction de genre : « Liberté-Égalité-Adelphité » !)

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ET LES VIOLENCES POLICIÈRES ?

On pourrait achever ici ce déjà trop long parcours, sans oublier toutes les mobilisations auxquelles nous n'avons pas manqué de nous associer dans le grand concours anonyme des bonnes volontés ne cherchant pas à se singulariser à tout prix :
  • luttes anti-nucléaires,
  • soutien aux réfugiés Sans-papiers,
  • résistance à l'implantation d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, où s'illustre le singulier génie politique de la paysannerie du pays nantais,
  • résistance à la purification ethnique en ex-Yougoslavie,
  • mouvements revendicatifs et syndicaux des salariés,
  • mouvement des désobéisseurs, et notamment des enseignants refusant le fichage numérique des élèves,
  • la Nuit Debout.
Mais on ne peut conclure sans parler du soir du 27 novembre 2007, alors qu'une manifestation lycéenne devant le Rectorat de Nantes était achevée, lorsqu'un policier nantais trouva bon de dépenser sa dernière balle en visant sciemment le visage de mon jeune fils âgé de 16 ans, avec son flash-ball LBD de nouvelle génération : un instrument pervers dont nous apprenions, en même temps que son existence (monsieur Sarkozy venait de le mettre discrètement en « expérimentation ») son extrême dangerosité, basée non pas sur une imprécision des tirs, mais au contraire sur une extrême précision des visées électroniques.

De ce crime inaugural, il fallu tenter de relever le défi, et d'abord en tentant d'épargner à d'autres familles ce qui nous était arrivé. Ce fut un combat harassant et souvent désespérant, au cours duquel nous avons quand même réussi à braver la résignation et l'intimidation en mettant en place un réseau national des familles et amis des victimes de la violence policière, à travers l'Assemblée des blessés.
Mais de tout cela, c'est mon enfant devenu grand qui en parlerait le mieux, notamment dans son ouvrage : Pierre Douillard-Lefevre, L'arme à L'oeil. Violences d'État et militarisation de la police. (2016, Éditions du Bord de l’eau, format : 12x19, 90 pages, ISBN : 9782356874641, 8.00 € ).

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EN CONCLUSION

On ne dira jamais trop dans ce parcours le poids décisif des affinités électives et du moteur irremplaçable de toute action politique : l'amitié entre nous.

Nous venons donc de résumer 40 années de belles tentatives, qui n'ont certes pas fait mentir notre citation liminaire de Samuel Beckett : « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. »

Mais avant de nous quitter, nous citerons un autre écrivain, grec celui-ci, Ménis Koumandarèas, mort il y a deux ans, qui disait : « Si on ne peut pas changer le monde, on peut au moins le tenir éveillé ».

Luc Douillard

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